jeudi 22 septembre 2016

3eme ligne de métro : "vache à lait et porteurs d'eau"


Laissons de côté les supputations sur celui ou celle qui conduira la gauche à la victoire en 2020 à Toulouse. Mon ami Claude Raynal, dans la Dépêche du jour, a raison de souligner plutôt l'importance de la méthode et de la réflexion commune en ces temps de primaires jugées indispensables au rassemblement de la gauche.


Je souhaite retenir plutôt, dans son entretien, une préoccupation immédiate mais lourde de conséquence : l'évocation de cette  inquiétude partagée par les élus toulousains sur les marges de manœuvre dont disposera la future majorité en 2020.

Le risque est bien là : 
Un encours de dette porté par Tisseo de 2,8 Milliards d'euros, un second encours de dette porté par la Métropole d'environ 1 milliard d'euros, soit près de 4 milliards d'encours cumulés avant 2030. 
Le moins qu'on puisse est que les possibilités d'emprunt futures pour de nouveaux investissements seront fortement contraintes et feront donc inévitablement peser un nouveau risque fiscal pour le contribuable.

Déjà en 2008, agences de notation à l'appui, les garanties réclamées par nos prêteurs devant la situation dégradée de notre solvabilité - dont nous avions hérité - nous avait conduit à assainir les choses. L'encours n'était à l'époque que de 1,3 Mds et engagement fut pris d'augmenter de 10 M€ chaque année la contribution de la collectivité à Tisseo pour un PDU de 2 Mds€. Tout celà, précisons-le, sans pression fiscale locale supplémentaire.

Aujourd'hui, nous voilà avec un PDU horizon 2030 de 3,8 Md€ dont 61 % sont consacrés à une seule infrastructure. 
34 % de ce montant sont dédiés à des opérations d'horizon 2020 initiées ou engagées par l'ancienne majorité (teléphérique urbain, l'extension à 52 m des stations de la ligne A, les pôles d'échanges, le réseau Linéo...) et environ 5 % pour des opérations entre 2025 et 2030.


Autant dire que la décennie 2020 - 2030, en matière de transport collectif, risque fort d'être préemptée à double titre. 
- Préemptée par une opération d'investissement, la 3ème ligne de métro avec fermeture totale du robinet de l'emprunt.
- Préemptée par la prétention, impossible à réaliser, de contenir des coûts d'exploitation à + 2% /an, sauf à détériorer l'offre ailleurs.

Quel l'on soit partisan ou adversaire de ce projet, il n'est pas anodin que ces questions soient posées à travers l'enquête réalisée aujourd'hui par la Commission Nationale du Débat Public
Il n'est pas anodin 
- qu'elle soit également posée par des maires non socialistes de la métropole comme celui de l'Union, 
- que l'équilibre du plan de financement soit soulevé par les maires de Colomiers et de Blagnac, 
- que la participation réclamée des autres intercommunalités ne relève pas du tout d'un acquis 
- que les subventions de la région et du département ne relèvent d'aucune automaticité,
- que les subventions de l'Etat relèvent d'un présupposé alors qu'à Paris les amis du maire veulent multiplier par 3 la baisse des dépenses publiques. 

Bref, qui peut croire que 95 % du financement de la 3eme ligne est aujourd'hui réuni, à part Monsieur Coué ?

Soulignons pour terminer la méthode très œcuménique du Maire de Toulouse, illustrée par cette déclaration aussi fracassante que révélatrice : "Toulouse n'est pas une vache à lait"... alors qu'il demande aux autres d'en être les porteurs d'eau. 

On voudrait maintenir le sujet des transports dans les ornières de la polémique qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

mercredi 14 septembre 2016

Primaire de la droite, la parole à JL Moudenc

LETTRE OUVERTE A JEAN-LUC MOUDENC, Maire LR de Toulouse

Monsieur le Maire – Président,  

Cette rentrée politique est placée sous le signe de primaires pour la désignation du candidat de votre formation politique à la prochaine élection présidentielle.

Ne sachant pas quel sera votre choix personnel mais découvrant chaque jour les propositions développées par chacun des candidats, je m’interroge tout naturellement sur le soutien que manifestera le premier magistrat de la quatrième ville de France aux propositions du Parti dont il a réclamé l’investiture en 2014 et dont il fût le responsable départemental.

Inquiet, comme moi, du sort réservé aux collectivités locales, nous nous retrouverons sans doute pour condamner toute perspective d’accroissement de l’effort demandé à ces dernières et tout discours de stigmatisation dangereusement développé par vos candidats. Sans peine, à Toulouse, vous retirerez donc la main sur le coeur votre solidarité.

Selon les sources, les propositions fluctuent. J’ai retenu celle d’une baisse des dépenses publiques de 150 Milliards d’euros en cinq ans, soit un ratio de 30 Milliards de baisse de dotations aux collectivités.

Doit-on s’attendre avec ce choc récessif en cas de victoire de l’un des vôtres, à une compensation par une nouvelle augmentation de l’impôt local, notamment à Toulouse, à l’heure où la prévision d’endettement de notre territoire à l’horizon de 2030 devrait atteindre près de 4 milliards d’euros dont 2,8 pour le SMTC.

De la même manière, et en cohérence, condamnerez-vous certainement toute proposition de restriction de la libre administration des collectivités territoriales et toute modification de la constitution allant dans le sens du recul de la décentralisation. Ainsi rejetterez-vous l’idée que la loi contraigne les exécutifs territoriaux à concourir à la suppression de 300.000 à 500.000 emplois, selon les candidats LR, dans les services publics à l’échelle du pays et de ses territoires.

Les milliers d’agents de notre collectivité seront également intéressés par votre refus de soutenir l’idée d’une liberté de négociation à la carte pour les exécutifs locaux afin de faire converger les règles de retraite du public et du privé autour des 25 années de carrière, à contractualiser ou externaliser les services qui ne relèvent pas de prérogatives de souveraineté, et à disloquer de fait le statut de la fonction publique. Quand je pense que certains de vos amis veulent même supprimer le statut de la fonction publique territoriale !

Vous sachant épris de démocratie et de l’oecuménisme des pratiques qui l’accompagnent, sans doute n’accepterez-vous pas la voie des ordonnances pour mettre en oeuvre des mesures touchant au domaine social et nécessitant le dialogue avec les partenaires sociaux. Je pense bien sûr aux 35 heures comme durée légale du travail dont l’abrogation est promise par tous les candidats LR.

Autre promesse étrange des candidats si elle n’était pas concomitante à la baisse de la dépense publique, c’est la forte baisse annoncée des impôts. Sans doute ne parlent-ils pas de l’impôt local ! A y regarder de plus près, des détails s’éclairent. Pêle-Mêle, on retrouve la suppression de l’impôt sur la fortune, la baisse de la taxation des dividences et des droits de succession, une forfaitisation de la taxation sur les revenus du capital. Bref, une logique d’accroissement des inégalités de patrimoine accompagnée a fortiori d’un accroissement inévitable du déficit public.

Soucieux de la démocratie, notamment de la démocratie sociale, sans doute serez-vous étonné d’apprendre que vos candidats entendent réécrire le code du travail – toujours grâce à cet outil d’ancien régime que sont les ordonnances autrement plus antidémocratiques que le 49-3 – pour y introduire des motifs prédéterminés de rupture du contrat de travail et le recours à des CDD renouvelables sans limites. J’imagine votre indignation en lisant ces lignes.

Je crains malheureusement de la renforcer en vous relatant une autre découverte de progrès social. La suppression de la généralisation du tiers payant et de l’Assistance Médicale d’Etat. L’un de vos candidats et non des moindres propose même la limitation de la CMU à certaines affections graves. Les toulousains dans la difficulté ont besoin de savoir si leur maire partage ces promesses.

Enfin, il y aussi le terrain essentiel et préoccupant pour tout humaniste qui est celui de la République et de ses valeurs. Monsieur Sarkozy, contributeur entre autres de votre carrière politique, suggère de suspendre l’immigration familiale. L’original de cette copie se trouve dans les tiroirs du Front National. Comme s’y trouve également la contestation du droit du sol avec l'idée de la conditionner, selon l'ancien Président, à une « présomption de nationalité ». En grand connaisseur de cette notion de présomption en matière pénale - mais c’est un autre sujet - le pire est à craindre.

Monsieur Juppé, au moins, ne s’embarrasse pas. Il veut restreindre la nationalité aux enfants nés en France. Des siècles d’histoire balayés. Vous comprendrez l’émoi prévisible de milliers de toulousains aux origines diverses s’il advenait une victoire de la droite. Cet émoi, je comprendrais que nous le partagions.

Ces mesures s’accompagnent, évidemment, de leur appendice social. Je vous épargnerais la liste des restrictions prévues pour l’accès aux prestations et protections comme celle du RSA ou du minimum vieillesse. Là aussi, votre qualité de maire devrait conduire à la confirmation d’une inquiétude pour vos administrés en situation difficile.

J’arrête là l’énumération. Ces quelques exemples de mesures promises sont suffisamment illustratives. D’autres viendront s’ajouter bientôt au cocotier de cet édifiant concours.

C’est non seulement la République, mais c’est aussi la République sociale, à laquelle s’attaquent vos représentants.

Sur ces sujets, Monsieur Moudenc, les toulousains veulent vous entendre car Toulouse n’est pas une république autonome.

Vous qui avez réclamé une loi sur le burkini, arguant de votre anticipation sur les conclusions prévisibles que rendraient le conseil d’Etat, j’ai constaté votre courage sur un débat national à emboiter certaines dérives inutiles. Car malheureusement, vous n’avez pas poussé l’anticipation juridique jusqu’aux conclusions évidentes que rendrait le conseil constitutionnel devant une telle loi.

Alors, Monsieur Moudenc, quels sont donc vos choix ? La révolution libérale et inégalitaire de Mr Juppé et Fillon ? La contre-révolution autoritaire et identitaire de Mr Sarkozy et Le Maire ?

Je pense pour ma part que l’une ne va pas sans l’autre car le redoutable programme social inégalitaire aura besoin du terrifiant programme autoritaire : recul de l’Etat de droit, mépris de la démocratie sociale et des corps intermédiaires, rétrogradation identitaire de la citoyenneté… Quelque soit le candidat de droite victorieux, je constate que le « vin est tiré » et l’enjeu démocratique est à l’ordre du jour.

Je suis dans l’attente de connaitre vos convictions. L’actualité n’est pas celle d’une simple alternance politique mais le risque d’une alternative anti-républicaine se construisant peu à peu sous vos yeux.

Ce scénario, les toulousains le rejetterons. Et vous ?

Je vous prie de croire, Monsieur le Maire-Président, à l’assurance de mes sincères salutations républicaines.

 
Joel Carreiras
Conseiller Municipal de Toulouse