lundi 22 avril 2013

De la doxa à la praxis...

Sur quoi reposent nos certitudes ? J'avais eu l'occasion d'évoquer dans ce blog le doute qui m'étreint : "la lutte des classes est-elle soluble dans un coefficient ?"
Or, il se trouve que la grande quête académique de la pureté scientifique en matière d'économie s'est récemment vue écornée sur un sujet essentiel pour nos politiques économiques. Plus grave, ce qui vient d'être révélé en ces temps de mise en cause de la parole publique, est le fondement erronée de cette même parole publique dès lors qu'elle s'appuie sur une objectivité mal établie. 
Un jeune chercheur vient, semble-t-il, d'en faire la démonstration.

Quelle était cette doxa sur laquelle se sont appuyés les adeptes européens et internationaux de l'austérité ? La dette publique a un impact limité sur le taux de croissance, tant que celle-ci ne dépasse pas 90% du PIB. A partir de ce seuil, elle engendre une récession de 0,1 %. Croix de bois, croix de fer, si je mens, j'irais en enfer.

On le sait. L'enfer est peuplé de bonnes intentions. Et ça se confirme ! La foi inébranlable dans la science historique de l'analyse des cycles longs n'a pas résisté, semble-t-il, à l'épreuve de la simple révision d'un tableur excel.

La réalité serait en effet radicalement inverse. Au lieu d'une récession, le modèle prédirait plutôt une croissance de 2,2 %.
La parole est à la défense. On la pressent fragile.
Il se trouve que nombre d'économistes de tous rangs, au premier desquels Paul Krugman, ne sont pas convaincus par sa plaidoirie. Est-ce à dire que ce petit déchirement du voile d'ignorance laisserait percevoir un coin de ciel printanier dans l'horizon de nos prospectivistes induits en erreur ? 
Il reste à espérer que nos experts européens, et en premier lieu nos commissaires, commencent à verser un peu d'eau dans le vin de leurs referentiels macro économiques et ne plus utiliser cette étude pour trouver un ratio de dette optimal.

mardi 9 avril 2013

Rumeur


Entre la course à l'échalote médiatique et le concours Lépine de la déclaration de patrimoine la plus rapide du moment, sans oublier les dérapages verbaux de la droite, Nicolas Demorand est venu contribuer à sa manière aux détestables effets de l'affaire Cahuzac.
Il aurait en effet déclaré que la rumeur de détention d'un compte à l'étranger de Laurent Fabius "était un fait politique majeur" qui méritait la une de Libération. Cette déclaration n'est pas anecdotique de la part d'un journaliste dont j'ai pu apprécier la plume et la voix. Doit on considérer qu'une rumeur ait la valeur d'un fait ? Ce dérapage est symptomatique d'un moment qui n'épargne personne et semble altérer la lucidité. Je pense vraiment que les signes d'une régression démocratique des esprits s'accumulent.
Alors même que la République, avec les décisions et les comportements de son Président, n'avait jamais été aussi loin, notamment dans le respect du droit et de la justice, le paradoxe semble avoir raison de l'objectivité.
En ces heures particulières, chacun y va de son commentaire au moindre micro tendu. Les uns pour rentrer dans l'Histoire. D'autres pour mieux laver l'affront de l'indicible Cahuzac. Ce faisant, le climat s'installe dans un hiver démocratique qui n'en finit pas. On scrute désespérement l'hirondelle annonciatrice tandis que les rangs de l'UMP croassent tels un ban de corbeaux.

Alors il faut tenir bon. Et pour tenir bon, comme en matière de prévention, c'est le principe d'action qui doit guider. Le gouvernement a raison. La crédibilité de l'engagement public, j'en conviens, ne sera pas miraculeusement guérie d'un simple électrochoc tant il est vrai qu'il s'agit plutôt de reconstruire scrupuleusement une parole publique qui n'avait pas besoin de Cahuzac pour être déjà fragile. Cette reconstruction va réclamer des preuves sur tous les terrains de l'action, et pas seulement celui de la moralisation. Dans le contexte économique et social actuel, face aux tentatives de radicalisation de droite comme de gauche, certains jouent l'atmosphère d'une conjonction exacerbée. Sont-ils bien sûrs d'en maitriser l'issue et la pureté ? 

lundi 8 avril 2013

Cahuzac : l'impossible pardon

Le vrai pardon est de "pardonner l’impardonnable", écrivait J. Derrida"Le seul pardon possible est donc bien le pardon impossible."
Ce qui pèse d'abord, c'est évidemment la faute elle-même. Ce qui la rend aujourd'hui encore plus indigeste est la forme de sa révélation. Une double révélation. Non seulement celle d'une culpabilité, mais aussi celle d'un mensonge avoué et néanmoins outrageant fait à la République.

Humainement, on comprends qu'assumer une faute relèvera pour l'essentiel du souci de se trouver déchargé de son poids. Ce poids insupportable d'une double faute réclamant un double pardon. Mais un double pardon qui ne pourrait qu'annoncer une forme de résignation à l'égard du passé et une descente aux enfers définitive de la parole publique. 

Ce qui est demandé n'appartient pas au champ public, au champ politique, au champ juridique, ni même au champ éthique. Jérôme Cahuzac demande tout simplement l'impossible.