L’année 2017 approche de son
épilogue. Celui d’une Gauche année zéro, d’un Président identifié comme menant
une politique de droite mais doté d’une confiance inégalée depuis longtemps
pour un Président en exercice.
Comme pour prolonger son moment
électoral, il choisit d’imprimer son moment gouvernemental par l’image d’un
homme en mouvement. Tel le cycliste forcé de pédaler faute de poser pied à
terre pour éviter la chute, il imprime donc sa marque. Hypermoderne parce qu’hyperactif.
A ce jour, les français aiment
ça. « Qui ne tente rien, n’a rien » nous dit l’adage. Dans cette
reconnaissance des français pour sa prise de risques, Emmanuel Macron entend perpétuer la
confiance et installer de façon dynamique sa légitimité. Ainsi entend-il faire
perdurer l’effet de souffle de cette légitimité acquise dans le moment
électoral. Les tentatives de diabolisation se fracassent à peine écloses. Les prêchi-prêcha s’enlisent sans passer le mur du son.
Sa stratégie très gaullienne passant
du « ni-ni » au « et-et », du ni gauche ni droite au « en
même temps », continue l’œuvre d’assèchement des territoires de l’alternance
crédible.
Sa pratique très Pompidolienne de
valorisation d’une technocratie d’Etat éclairée poursuit son œuvre rénovatrice,
installant inexorablement la protection de couches sociales modernisatrices
dans son vivre ensemble.
Les premiers de cordée se
projettent dans son désir d’avenir. Les premiers de corvée s’impatientent des
bénéfices collatéraux d’une théorie du ruissellement pourtant contraire à celle
de l’infiltration.
Sa communication très
giscardienne, peaufine la version sociale d’un libéralisme du « bon
sens » résistant à l’épreuve en attendant les preuves.
Les trois dimensions de cette
nouvelle synthèse résisteront-elles à l’expérience et à l’examen précis de la
politique gouvernementale menée par ses « collaborateurs » ?
Il fait ce qu’il a dit. Dit-il. Et
ce n’est pas rien, me direz-vous. Mais que nous dit-il de ce qu’il fait ?
La crise de la démocratie serait
une « crise de l’efficacité » a-t-il récemment déclaré dans son fameux
publi-reportage de TF1. Je connais des pays où l’efficacité est bien au
rendez-vous. Seraient-ils des exemples ? Ce critère suffirait-il à l’exigence
de sens si nécessaire pour faire société. Doit-on en définitive réduire la
vérité à l’utilité ? Beau sujet ! Il réclamerait certainement la double convocation d’Hannah
Arendt et du comte de Saint Simon.
L’argument de l’efficacité, cédant ainsi à l’impératif politique de justification,
vient utilement rappelé que la technocratie a justement ancré son fondement historique
dans le culte de l'efficacité.
Il rentre aujourd'hui en résonance avec une certaine pratique institutionnelle du pouvoir, une valorisation manageriale chère à la technocratie dominante, une méfiance des corps intermédiaires, une personnalisation de la conviction combinée à la nature même de sa victoire électorale faite d'une opportunité saisie plutôt que patiemment et collectivement construite.
C'est là où le souci d'annuler la politique par la technique rejoint la volonté
de « dépolitisation ». L’idée n’est pas nouvelle. Mais tant que les
clivages sociaux et culturels qui affectent les hommes n'auront pas été
effacés, comment envisager de substituer l'administration des choses au
gouvernement des hommes ?
Le dernier ouvrage de notre
Président s’intitulait « Révolution » comme pour en finir avec la
fatigue démocratique des alternances politiques entre droite et gauche. Ainsi propose-t-il de de passer de cet âge, comme s'il était "féodal", à l'âge positif de la nouvelle révolution immatérielle dont les acteurs
les plus compétents et innovants auraient pour tâche de contribuer à piloter le
pays, d'en faire une contrée prospère où règneraient l'esprit d'entreprise
comme instrument de paix sociale.
Cette vision, que l’allégorie du premier
de cordée illustre, n’est pas loin de St Simon dans son Exposition de la
Doctrine de 1830. A chacun selon sa capacité, à chaque capacité suivant
ses œuvres.
Je persiste à penser qu'Emmanuel Macron nécessite mieux que des caractérisations sommaires. C'est à l'analyse précise de sa vision et à une déconstruction argumentée qu'il conviendrait mieux de s'atteler.