mardi 19 décembre 2017

Macron Saint Simon ?



L’année 2017 approche de son épilogue. Celui d’une Gauche année zéro, d’un Président identifié comme menant une politique de droite mais doté d’une confiance inégalée depuis longtemps pour un Président en exercice.

Comme pour prolonger son moment électoral, il choisit d’imprimer son moment gouvernemental par l’image d’un homme en mouvement. Tel le cycliste forcé de pédaler faute de poser pied à terre pour éviter la chute, il imprime donc sa marque. Hypermoderne parce qu’hyperactif.
A ce jour, les français aiment ça. « Qui ne tente rien, n’a rien » nous dit l’adage. Dans cette reconnaissance des français pour sa prise de risques, Emmanuel Macron entend perpétuer la confiance et installer de façon dynamique sa légitimité. Ainsi entend-il faire perdurer l’effet de souffle de cette légitimité acquise dans le moment électoral. Les tentatives de diabolisation se fracassent à peine écloses. Les prêchi-prêcha s’enlisent sans passer le mur du son.

Sa stratégie très gaullienne passant du « ni-ni » au « et-et », du ni gauche ni droite au « en même temps », continue l’œuvre d’assèchement des territoires de l’alternance crédible.
Sa pratique très Pompidolienne de valorisation d’une technocratie d’Etat éclairée poursuit son œuvre rénovatrice, installant inexorablement la protection de couches sociales modernisatrices dans son vivre ensemble.
Les premiers de cordée se projettent dans son désir d’avenir. Les premiers de corvée s’impatientent des bénéfices collatéraux d’une théorie du ruissellement pourtant contraire à celle de l’infiltration.     
Sa communication très giscardienne, peaufine la version sociale d’un libéralisme du « bon sens »  résistant à l’épreuve en attendant les preuves.
Les trois dimensions de cette nouvelle synthèse résisteront-elles à l’expérience et à l’examen précis de la politique gouvernementale menée par ses « collaborateurs » ?

Il fait ce qu’il a dit. Dit-il. Et ce n’est pas rien, me direz-vous. Mais que nous dit-il de ce qu’il fait ?
La crise de la démocratie serait une « crise de l’efficacité » a-t-il récemment déclaré dans son fameux publi-reportage de TF1. Je connais des pays où l’efficacité est bien au rendez-vous. Seraient-ils des exemples ? Ce critère suffirait-il à l’exigence de sens si nécessaire pour faire société. Doit-on en définitive réduire la vérité à l’utilité ? Beau sujet ! Il réclamerait certainement la double convocation d’Hannah Arendt et du comte de Saint Simon.

L’argument de l’efficacité, cédant ainsi à l’impératif politique de justification, vient utilement rappelé que la technocratie a justement ancré son fondement historique dans le culte de l'efficacité. 
Il rentre aujourd'hui en résonance avec une certaine pratique institutionnelle du pouvoir, une valorisation manageriale chère à la technocratie dominante, une méfiance des corps intermédiaires, une personnalisation de la conviction combinée à la  nature même de sa victoire électorale faite d'une opportunité saisie plutôt que patiemment et collectivement construite.
C'est là où le souci d'annuler la politique par la technique rejoint la volonté de « dépolitisation ». L’idée n’est pas nouvelle. Mais tant que les clivages sociaux et culturels qui affectent les hommes n'auront pas été effacés, comment envisager de substituer l'administration des choses au gouvernement des hommes ?

Le dernier ouvrage de notre Président s’intitulait « Révolution » comme pour en finir avec la fatigue démocratique des alternances politiques entre droite et gauche.  Ainsi propose-t-il de de passer de cet âge, comme s'il était "féodal", à l'âge positif de la nouvelle révolution immatérielle dont les acteurs les plus compétents et innovants auraient pour tâche de contribuer à piloter le pays, d'en faire une contrée prospère où règneraient l'esprit d'entreprise comme instrument de paix sociale.
Cette vision, que l’allégorie du premier de cordée illustre, n’est pas loin de St Simon dans son Exposition de la Doctrine de 1830. A chacun selon sa capacité, à chaque capacité suivant ses œuvres
Je persiste à penser qu'Emmanuel Macron nécessite mieux que des caractérisations sommaires. C'est à l'analyse précise de sa vision et à une déconstruction argumentée qu'il conviendrait mieux de s'atteler.


vendredi 3 novembre 2017

Rencontres Progressistes, la conférence du 5 octobre 2017

- Intervention du 5 octobre 2017-
"La démocratie sociale a-t-elle encore un avenir ?"

"La démocratie sociale a-t-elle encore un avenir ? Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’elle a un passé. Un terrain de conquêtes par le mouvement ouvrier, une étape décisive qui aura été celle de la libération en 1945.

La démocratie sociale, c’est à la fois un système d’organisation et de protection, un nœud de relations dites sociales, un champ d’équilibre exprimant le rapport Capital / travail ou se déploient des droits. Elle a été le marqueur d’une longue période de progrès, appuyé sur un mode de production et une vision claire du rapport salarial. Elle est au cœur des enjeux qui se discutent aujourd’hui. 

Jamais elle ne l’aura autant été : Ordonnances sur le marché du travail, et bientôt le régime d’assurance chômage et la formation professionnelle, le système de retraite.
En toile de fond à venir, le paritarisme, le zèle du patronat et l’avenir du syndicalisme.

Au-delà de l’aspect comptable des réformes en cours, ce qui se joue est bien davantage car les impacts touchent à la fois au système d’organisation (représentativité), à la nature des relations sociales (règles de négociations…), au bouleversement de droits acquis (Indemnisation).
La volonté officielle est celle de la modernisation des rapports sociaux avec la volonté de prendre en compte la réalité des entreprises.
La pression des logiques de rémunération du capital et de reconstitution de marges, la taille des entreprises, les changements technologiques, les évolutions de la demande, la concurrence, sont autant d’incertitudes pour les employeurs. Leur réponse centrale et trop souvent univoque :

lundi 23 octobre 2017

Braderie urbaine



Dans le souci de reloger à moindre frais certains services de la ville (près de 150 personnes), le maire de Toulouse a décidé en 2016 une transaction particulière. Échanger le bâtiment qui les abrite, propriété de la ville, avec l'un de ceux de la société ICADE situé dans un autre quartier, à Borderouge. 

Initialement, le projet prévoyait la démolition du bâtiment dans le but de construire un campus numérique privé. Compte tenu de ce besoin de démolition, les domaines validèrent le prix et les termes de l'échange. Le coût pour la ville (400 K€) correspondait donc à la différence entre la cession de son bien et l'acquisition du nouveau lieu. C'est ce qui fut voté en 2016.

C'était sans compter sur une nouvelle délibération d'octobre 2017 qui viendra modifier à la fois la nature et l’équilibre économique et foncier initial. Elle avalisera la cession complémentaire d’une partie de la place de l’Europe au groupement privé Icade/Ynov sans oublier naturellement de la déclasser pour y permettre un droit à construire. 

  • Nouvel équilibre, nouveau prix : L'échange se fait désormais à somme nulle. la ville n'a plus à débourser quoique ce soit. 
  • La surface foncière impactée augmente de 2200 m² pour un coût d'acquisition de 500 K€, soit 225 € le m² (tandis que la surface plancher augmente de 1500 m²). 
  • Le bâtiment n'est plus détruit mais réhaussé et le projet envisage désormais davantage d'activités lucratives (hôtel et commerces)

Projet initial mars 2016






surface m²
prix /m²   domaines
Total
en %  surface totale

Résidence étudiante
8500
                      953,64 €
     8 105 940 €
55%

Hôtel et commerces


                    -  
0

Ecole
5100
                      352,75 €
     1 799 025 €
32%

Espace co-working / bureau
2000
                      352,75 €
        705 500 €
13%

Total
15600
                          680 €
   10 610 465 €


Assiette fonciére
 4500 m²



L'école représente 1/3 de la surface plancher
La résidence étudiante 55% de la surface plancher
Soit un total de 88% de surface destinée aux étudiants



Projet voté le 12/10/2017






surface m²
prix /m²   domaines
Total
en %  surface totale
Résidence étudiante
3175
                      900,00 €
     2 857 500 €
19%
Hôtel et commerces
7052
                      900,00 €
     6 346 800 €
41%
Ecole
3339
                      250,00 €
        834 750 €
19%
Espace co-working
3560
                      300,00 €
     1 068 000 €
21%
Total
17126
                          649 €
   11 107 050 €
(+) 496.585 €
Assiette fonciére
6700 m²
(+) 2200 m²



L'école ne représente plus que 19% de la SDP
La résidence étudiante 19% de la SDP

La partie hôtel "classique" représente 41% de la SDP
La SDP destinée aux étudiants n'est plus que de 38%


Entre le projet initial et le projet voté :
2200 m² supplémentaire de foncier correspondant à 30% de la place de l'Europe pour 496000 euros

Cette nouvelle cession d’espace public est celle d’une véritable braderie pour un lieu qui aurait mérité un autre avenir que celui de la spéculation.

Bien sûr, les agents de la ville méritent des conditions de travail améliorées. Évidemment, la place de l'Europe mérite une véritable requalification. Mais ce que révèle cette affaire est l'absence totale de réflexion préalable pour savoir ce que l'on souhaite avant de se saisir paresseusement d'une opportunité offerte par le marché. C'est bien tout le contraire d'une politique de l'urbanisme,

La place de l'Europe, à Toulouse, mérite mieux que son amputation et la livraison, par procuration, de son devenir. A ce titre, méritant mieux qu'un compromis avec les promoteurs, elle aurait gagné à voir tracé son avenir avec les riverains.

Visionner le reportage de FR3 du 7 octobre 2017