mardi 11 décembre 2018

L'erreur de Macron

Certains voient dans les réactions politiques aux annonces du président Macron une querelle indigne et récupératrice. Sauf à considérer le mouvement des gilets jaunes pour ce qu'il n'est pas, c'est à dire une forme de mobilisation classique contre un texte de loi catégoriel qu'il suffirait de suspendre, puis de retirer, en attendant l'éventuelle démission du ministre en cause, c'est une erreur que de dévaloriser ainsi la parole politique.

Je ne souhaite pas pour ma part un acte V à la mobilisation. Force est de constater cependant que le véritable projet contre lequel manifeste le pays, c'est celui du projet de loi de finance en ce qu'il résume l'orientation générale de la politique menée.

C'est pourquoi les annonces faites aujourd'hui, si elles sont un amendement au projet de budget en ce qu'elles réforment à la marge la ventilation des dépenses et recettes du budget de l'Etat, elles n'en modifient pas la philosophie. On habille Pierre et on déshabille Paul. On en appelle à l'intérêt bien compris des employeurs afin qu'ils contribuent à la paix sociale par la distribution de quelques étrennes de fin d'année. L'enjeu structurel est évacué et, avec lui, celui de la justice redistributive.

Les symboles de la victoire ont toujours été indispensables aux luttes sociales. Ne faudrait-il pas se résoudre, en pareille circonstance, à surprendre plus franchement sachant qu'il ne s'agit d'ailleurs pas qu'une affaire de bouc émissaire. Seule la démission du gouvernement, accompagnée d'un nouveau discours de politique générale remettant à plat les arbitrages, et à zéro les compteurs, aurait permis de donner une chance à ce quinquennat pour résister au populisme qui gagne aujourd'hui sur le terreau de l'injustice. L'ordre social est en jeu. Il ne faut pas s'étonner que l'ordre public vacille.  Ce qui est proposé aujourd'hui n'est pas une sortie par le haut mais un vasistas escomptant l'essoufflement de tous et la radicalité de quelques uns. Et après, que va-t-il advenir de la confiance populaire pour les deux ans de mandat à venir. Bon courage pour les prochaines tentatives de réformes...

E. Macron nous a permis d'éviter le Front National en 2017 mais ce n'était pas pour qu'il devienne l'accélérateur des particules élémentaires qui irriguent désormais le populisme. Toute mobilisation sociale ne produit pas, par essence, une conscience sociale collective, ni même une  lucidité politique avérée sur les objectifs. L'histoire nous apprend que la révolte n’est pas mécaniquement révolutionnaire. Pour reprendre l'expression de JL Mélenchon, la promesse du "bruit et de la fureur" ne garantit rien si ce n'est parfois le pire. 

Derrière les gilets jaunes (cessons d'y mettre des majuscules), ce sont tout simplement les conditions de vie dont il est question. Parce que l'expression formalisée de ce cri est celle du pouvoir d'achat, les conditions de l'homogénéité du rapport de force s'en sont trouvées objectivement et médiatiquement constituées. Elles masquent les contradictions sociales qui le parcourent tout en offrant ce que cherche le courant populiste, casser la conscience de classe au profit d'une nouvelle construction, le peuple comme nouvel objet social.

Sophocle prophétisait que du désordre naissaient souvent les tyrannies et nous pouvons aisément souligner avec Jaurès que "l'action légale est plus puissante que l'action convulsive". Mais nous devons toutefois rajouter avec lui que "nous ne pouvons être dupes de l'hypocrisie sociale des classes dirigeantes". Cette hypocrisie, que dénonçait Jaurès répondant à Clémenceau en 1906, est devenue aujourd'hui le premier ferment du conflit actuel et de l'expression atomisée du corps social dont les gilets jaunes sont en définitive l'expression.

Emmanuel Macron vient de rater l'occasion de renouer avec ses intentions "révolutionnaires" de la Présidentielle. La conquête du pouvoir est une chose. Son exercice en est une autre. Il paye aujourd'hui le prix de sa volonté de disqualifier les formes démocratiques organisées, de leur légitimité à porter une parole alternative au prétexte d'un ancien monde fossilisé et dont l'expression électorale fut satellisée. Le face à face actuel du Président, sur les ruines des anciennes régulations collectives et de l'assèchement du grain à moudre, était inévitable. Et ce n'est pas un hasard si les élus locaux apparaissent désormais tels les derniers recours de l'expression organisée et démocratique de l'intérêt collectif.

Loin de me féliciter de tout cela, je me garderais bien d'annoncer table rase de ce qui fut, de ce qui a structuré le champ politique et social du pays et qui demeure inscrit dans les gènes de son inconscient collectif. "Cours camarade, le vieux monde est bien derrière toi" car il en a effectivement après toi. Et si ce vieux monde porte sa part de responsabilité, seule l'histoire longue, comme toujours, permettra véritablement de trancher la question. Après tout, ce vieux monde, c'est aussi celui de Jaurès.

mardi 27 novembre 2018

Faire comme si... et advienne que pourra



Intervention au Conseil de Métropole à propos de la soutenabilité financière de la politique transport

En mars puis en septembre 2017, nous avons eu droit à des « exercices de prospective » financière du Plan de Déplacement Urbain et de la troisième ligne de métro. Notre inquiétude était déjà là.
En septembre 2018, nous avons droit désormais à une « étude de soutenabilité » confectionnée avec l’appui de vos consultants.
En septembre 2019, peut-être aurons-nous enfin «  l’arbitrage de la faisabilité » !

A quelle hauteur d’engagement de dépenses et d’irréversibilité sommes-nous aujourd’hui sur la TAE ? je me pose la question.

Nous avons une programmation des investissements sur la métropole qui dérape.
Nous avons un coût de la 3ème ligne de métro qui s’accroit.
Nous avons une contrainte sur nos dépenses de fonctionnement qui se resserre, ce dont vous vous félicitez après avoir signé cet engagement avec l’Etat.

Bref, c’est aujourd’hui l’ensemble de l’équilibre de nos politiques qu’il faut revisiter.

C’est alors que vous sortez les crayons de couleur, que vous scénarisez de beaux tableaux excel chiffrés, que vous redistribuez les variables pour qu’au final, telle une chatte tombant d’un toit brûlant, vous puissiez retomber sur vos pieds et rassurer le bon peuple.

J’ai donc fait l’exercice de comparaison entre toutes ces études. Et bien vous proposez aujourd’hui d’étudier la soutenabilité de votre plan de financement en faisant comme si… et advienne que pourra…

On va faire comme si les recettes commerciales de Tisseo passaient de 17 à 25 % des produits de gestion, c’est-à-dire qu’on ajoute une pincée de 15 M€ de plus par rapport à la recette initiale prévue dans la précédente prospective. (193 M€ contre 178 M€).
C’est une première historique : la couverture des coûts d’exploitation serait de 50 % contre 34 % aujourd’hui. Sans augmenter les tarifs, qui peut le croire ?

On va faire comme si les charges d’exploitation du réseau n’étaient plus envisagées à 395 M€ mais à 385 M€ en 2030, c’est-à-dire qu’on retire une pincée de 10 M€ par rapport à la prévision initiale. (alors même que le contrat de service public prévoyait de les encadrer, elles seraient de 276 M€ en 2021 et non de 265 M€ comme prévus). Sans toucher à la qualité de desserte ou au mode gestion public, qui peut croire à une telle maitrise des charges ?

On va faire comme si le Versement Transport allait miraculeusement connaitre un quasi doublement de son produit à la fin de la période, c’est-à-dire qu’on rajoute une grosse louche de 48 M€ de ressources supplémentaires par rapport aux précédentes projections. Pour la première fois dans l’histoire, sa progression serait plus dynamique que celle des subventions d’exploitation.

On va faire comme si le déficit d’exploitation initialement projeté à 216 M€, et qui était donc trop salé en Septembre dernier, allait être ramené à 192 M€. Sans toucher au développement de l'offre kilométrique de tous les autres modes (Bus...), qui peut croire à une amélioration de 24 M€ de ce ratio ? 

Comme malgré tous ces ingrédients, l’épargne nette du syndicat risque de frôler le zéro, on invente un nouveau concept. Il y avait celui de l’épargne nette. On a désormais celui de la « super épargne nette » que l’on atteint grâce à 678 M€ de subventions, comme si les tiers financeurs devenaient en quelque sorte les contributeurs d’épargne.

Et enfin, on va faire comme si la contribution de la collectivité passait de 24 à 16 % des produits, passant de 180 à 122 M€, c’est à dire qu’on retire une belle poignée de millions d’euros de l'effort prévu par Toulouse Métropole pour répondre au contrat signé avec l'Etat. Abracadabra !!

Telle est la variable autour de laquelle il fallait ajuster toutes les autres. L’enjeu est de rentrer dans les nouveaux clous de la maitrise des dépenses sur laquelle vous vous êtes engagé avec le premier ministre. A vrai dire, plus vous tentez de nous rassurer, plus notre inquiétude s'accroit.

L'eau Veolia

Au moment ou la Métropole de Toulouse s'apprête à confier la gestion de l'eau à Veolia, voila ce que nous dit le représentant de cette entreprise : "La différence, c'est que, quand vous êtes en régie, vous roupillez car vous n'êtes pas remis en cause." (...) "L'efficacité, la capacité d'innovation, de gestion ne sont pas les mêmes. La différence, c'est être en permanence en compétition."
Surtout quand l'égalité des conditions de la compétition ne sont pas réunies.

Je suis content d'apprendre que le service public roupille. Les régies de la Métropole Lilloise, 1er acteur national certifié ISO 45001, de Nice, de Grenoble, de Montpellier, seront contentes de l'apprendre alors même que la part de la gestion publique de l'eau potable a progressé de 10% en 15 ans.
 

Quelle indécence ! Quelle suffisance au moment même ou Toulouse Métropole s'apprête d'ailleurs à conserver et assurer plus de 70 % des investissements.

Plutôt perdre face à la régie que face à un concurrent privé. Voilà ce que nous dit Veolia. Révélateur. Il est des secteurs ou la concurrence rime avec oligopole et concentration. Ceux qui permettent justement de roupiller entre soi. De gagner l'assainissement de Bordeaux, de le perdre à Toulouse pour 2 centimes et de développer ses marges à l'international. Bref, d'autres payent pour nous.
En 2017, + 3.9 % du chiffre d'affaire avec une croissance près de 10 % dans le monde mais un recul de 0.1 % en France, une hausse de 5 % des dividendes et un renforcement considérable de l'agressivité commerciale.

Voilà ce que reflète le prix Veolia. Ce qu'on appelle une stratégie de marché pariant notamment sur une hausse de la consommation, qui est l'une des règles d'or de l'équilibre de ses contrats.

lundi 20 août 2018

"La laïcité n'est pas un détail", lettre ouverte à Jean-Luc Moudenc

Monsieur le Maire,

Cette affaire d'écharpe tricolore portée par deux élus pèlerins lors d'une cérémonie religieuse à Lourdes - dont l'un était semble-t-il présent à titre privé et n'avait donc pas à être ceint de votre représentation - a défrayé la chronique des réseaux sociaux. L'émoi fut tel que vous avez cru utile de sur-réagir et de susciter pour le coup un émoi plus grand encore à travers deux messages sur twitter postés le 17 aout dernier.

Que nous dites-vous : "Que les tenants de l'Opposition municipale, par cette polémique inutile, démontrent leur difficulté à parler de vrais sujets pour les Toulousains". J'ai envie de dire chiche. Mais était-il dès lors si important pour les toulousains d'être représentés par des élus avec écharpe à un office catholique... à Lourdes ?
La laïcité et son corollaire la neutralité, pour les toulousains, avec ce qu'elles réclament de probité et d'exemple dans les comportements, seraient-elle en définitive et par les temps qui courent un sujet subalterne à l'actualité subsidiaire ?

Vous poursuivez votre propos en stigmatisant "un fond de sectarisme anti-catholique" et en relatant "une carence en culture religieuse & historique". Pourquoi de tels arguments dès lors que sont invoqués les principes de la laïcité ? Ne sont-ils pas révélateurs de votre propre confusion dès lors que l'on s'inquiète en conscience de tous les signes qui la fragilisent. Je les trouve pour ma part très signifiants.

Il n'est pas demandé aux élus de devenir athées mais juste laïcs. Laïcs et vigilants face aux inconséquences pratiques et concessions de détail, ou face aux hypocrisies masquées sous le nom de respect des traditions et des convictions intimes qui, d'où qu'elles viennent, ne font qu'accroitre aujourd'hui la fragilisation de l'esprit public. Non. Cette affaire n'est pas picrocholine car son motif n'est ni obscur, ni insignifiant.

La carence n'est pas celle que vous prétendez déceler dans la culture religieuse de vos opposants. La carence est davantage celle d'un esprit public vacillant. Il réclame moins de votre part des leçons de catéchisme qu'une vigilance de tous les instants à ne pas souffler sur le feu des passions privées et religieuses. Ce n'est pas ce que vous faites. Je le regrette. Il n'y a pas, sur ce sujet, "les sachants et les ignorants, ceux qui détiendraient la vérité et ceux qui seraient dans l'erreur"*.

Il vous suffisait d'admettre pourtant qu'un élu présent à titre privé lors d'une cérémonie religieuse n'avait pas à porter l'écharpe tricolore. Il vous suffisait d'admettre que la ville de Toulouse avait mieux à faire que d'être représentée, la République en bandoulière, au premier rang d'une cérémonie religieuse organisée par une confession à 170 km de Toulouse. Au nom de quoi et de quels intérêts ? De l'intérêt public ?

Au lieu d'admettre cela, vous avez aggravé l'émotion sincère de nombreux toulousains plutôt que de les rassembler sur cette cause essentielle pour notre république. Vous avez en effet rajouté : "Dans le monde et la France de 2018, les inquiétantes atteintes à la laïcité ne concernent plus la religion catholique. Chacun sait que ces problèmes sont ailleurs ! Certains refusent de le reconnaitre et restent sur une vision de la fin du 19eme siècle." Après le catéchisme, voilà que vous décernez des brevets d’archaïsme.

N'est ce pas une vision erronée que de développer ainsi une approche sélective ?  Oui. Les temps sont troubles Mais la vertu d'un principe est qu'il s'applique indistinctement. Nous devons tous assumer la vision de "la fin du 19ème siècle". C'est à dire celle de la loi de 1905. Celle de la sécularisation de nos institutions publiques.

Que vous le vouliez ou non, à trop instiller l'idée d'un dépassement de la question pour une confession plutôt que d'autres - et tout cela pour justifier simplement une présence sur un lieu de pèlerinage - vous disqualifiez de fait une neutralité nécessaire.

La vérité, me semble-t-il, est votre conception même de la laïcité. La laïcité n'est pas une arme dont on règlerait l'intensité de l'effet à la proportion de la menace. Elle est tout simplement un principe, une neutralité. Elle est ce que désigne sa racine latine, le commun.

* comme l'a justement souligné le député toulousain Mickael Nogal

lundi 25 juin 2018

la douceur du baiser qui tue



 

CONSEIL MUNICIPAL de TOULOUSE - 15 JUIN 2018 -
Intervention sur le compte administratif 2017 au nom des groupes PS, PCF, Verts demain et Génération(s)

I - Ce compte Administratif 2017 confirme une trajectoire financière que nous n’avons pas partagée.

Nous ne pouvons que redire ce que nous avons dit jusqu’à aujourd’hui.
Pour les toulousains, c’est une vague d’austérité qui dure.
Une vague sur la base de laquelle vient désormais se greffer et se calculer aujourd’hui une deuxième vague, celle de la contractualisation.

J’ai peur qu’en semant ainsi des vagues, vous récoltiez la tempête.
C’est donc l’effet d’une double lame. C’est le double effet Kiss cool, mais avec la douceur désormais du baiser qui tue.

Ce CA 2017 nous permet d’actualiser un premier bilan
·        des ponctions sur le pouvoir d’achat, sur le plan fiscal et tarifaire
·        des ponctions sur le pouvoir d’agir, sur le plan des subventions aux associations
·        d’une pression de plus en plus en forte sur les personnels.

Produit fiscal :
On constate une progression de 46 M€ depuis 2014.
Si on cumule le prélèvement effectué chaque année, nous arrivons à 130 M€ et nous serons à 300 M€ en 2020 en grande partie lié à votre décision fiscale.
Evidemment, je suis prêt à corriger ce montant et prendre en compte l’évolution physique des bases ou leur revalorisation annuelle. Et bien je dis chiche !

Produit des redevances :
On constate une progression de 10 M€ depuis 2014.
Si on cumule le prélèvement effectué chaque année, nous arrivons à 19 M€ et 88 % de ce montant relève des redevances sur le scolaire.
Evidemment, je suis prêt à corriger ce montant et prendre en compte l’accroissement du nombre d’’élèves. A condition que l’on prenne en compte aussi l’accroissement des inégalités de conditions des familles, car à Toulouse l’écart se creuse.

Où est le bilan promis sur la politique tarifaire ? Il ne suffit pas de prétendre au faible impact sur le taux de fréquentation des cantines, par exemple. Un taux de fréquentation ne dit rien des arbitrages forcés que font de familles qui bénéficiaient hier de la gratuité. Il faut bien que les enfants soient nourris, alors elles sont contraintes à de nouveaux efforts sur d’autres postes du budget familial.

Dépenses en subventions :
On constate une baisse de 7 M€ depuis 2014.
Si on cumule, on arrive à la somme de 12.5 M€ de baisse de subventions.
Aujourd’hui même, à ce conseil, nous allons renouveler des subventions pour 277 associations mais les qui y sont consacrés baissent de 11%.

Total cumulé : 130 M€ + 19 M€ + 12 M€ = 160 M€ prélevés outrancièrement sur le pouvoir d’achat depuis 2014 tandis que le total des baisses de dotations, nous dites-vous, aura été de 81 M€.

Preuve du trop-perçu, le CA 2017 nous indique par ailleurs, pour la 3ème année consécutive, une épargne qui reste encore supérieure à la cible de votre trajectoire. Comble du paradoxe, elle sera encore plus forte à l’issue de la période de contractualisation.

jeudi 7 juin 2018

LREM, vers un parti de strapontins ?

Edouard Philippe, 1er Ministre, est venu rendre visite au Maire de Toulouse. L'accueil au Capitole fut républicain. J'en étais.
Les discours respectifs, quant à eux, me laissèrent pantois. Dégoulinant d'attendrissements réciproques, le cœur du message n'avait qu'un but. Magnifier la trajectoire de deux copains de chambrée cherchant coloc.
Epicure, que j'exhume ici, aurait pu illustrer cette rencontre. "La vue de ceux qui nous sont proches est belle quand les liens de parenté concourent à l'union, car elle produit beaucoup de zèle en vue de cela."

Tel fut le spectacle que voulait offrir le Maire. Celui d'un intendant zélé osant prétendre dans son discours : "Vous êtes, Monsieur le 1er ministre, respectueux de la France décentralisée". Les maires de notre pays apprécieront. Je n'ai pas vraiment le sentiment qu'ils partagent ce sentiment. Dire que Jean-Luc Moudenc préside une association d'élus, le toupet n'a plus de limite. Edouard Philippe, perfidement, lui a d'ailleurs rappelé que ce fut un peu grâce à lui.

Mais je me suis alors imaginé notre Premier Ministre répondant sous les traits de Voltaire constatant davantage de "zèle d'un homme espérant une grande récompense que d'un homme l'ayant reçue". Ainsi donc, depuis hier, les pronostics de la récompense vont bon train.
Le nouveau monde est en marche. Non pas celui d'une alternative à l'ancien mais celui d'un bégaiement de la 4eme république des géométries variables. Une alliance LR-LREM serait en vue pour 2020. JL Moudenc serait-il plus faible qu'il n'y parait ? Que n'a-t-il besoin d'une telle rescousse ?

Évidemment, il veut rassembler largement. Mais j'ai rencontré peu de candidats, dans ma longue carrière de citoyen, dont la foi n'était pas celle de faire profession du rassemblement. Sans surprise, l'argument de préau d'école nous fut servi salle des illustres, avec pour tremolo l'alliance des bonnes volontés apolitiques.

En Marche est une chose. Ces électeurs en sont une autre. Moi qui pensait qu'il s'agissait d'une formation politique des temps nouveaux, en construction, osant bousculer le système. Va-t-elle se révéler complice de sa reconduction à l'échelle locale ? N'y-t-il de pertinence à ce projet que le temps d'une présidentielle qui, une fois gagnée, n'a que faire de ceux qui sur les territoires l'ont aussi permise.

Ce choix, s'il s'avérait, serait irrémédiablement celui d'un parti de strapontins. Grand bien lui fasse. N'oublions jamais - l'histoire politique des grands partis de gouvernement le démontre - que le scrutin local demeure la racine de ce qui dure...

mardi 17 avril 2018

La précipitation servile de Monsieur Moudenc

Le dernier conseil métropolitain avait à son ordre du jour la contractualisation avec l'Etat d'un engagement de la métropole à limiter l'accroissement de ses dépenses de fonctionnement. (Voir mon intervention). En l'absence de signature de contrat, la pénalité financière d'un dépassement serait plus lourde que celle qui tombera de toute façon, même en cas de signature.

La méthode, dénoncée par de nombreuses collectivités, est donc celle d'un contrat qui a l'apparence d'un accord de volontés alors qu'il révèle davantage une inégalité des parties signataires. Comme le dit la formule, "ce qui est à moi, est à moi, mais ce qui est à toi se discute".
Où sont les engagements de l'Etat lui-même sur les ressources, alors que l'évolution du PIB amorce son amélioration,  et à l'heure ou la suppression de la TH n'augure rien de bon pour le pouvoir fiscal des collectivités locales ?

Je suis d'accord avec l'idée que les finances locales contribuent à l'équilibre des finances publiques puisqu'elles en font partie. Et le conseil constitutionnel a récemment rappelé ce principe inscrit dans notre loi fondamentale (Ce qui pourrait se discuter est qu'il lui a semblé supérieur à celui de la libre administration).
Mais il convient de rappeler l'histoire récente. Les collectivités locales ont répondu à cette exigence en subissant le gel puis la baisse des dotations d'Etat après avoir subi la suppression non compensée intégralement de la Taxe professionnelle en 2010.

Chemin faisant, pendant que les collectivités dégageaient une capacité de financement de 4 Md€, le déficit des administrations de l'Etat se creusait de 2 Md€. Si au final le déficit global, toutes administrations confondues, a reculé de 2.8 Md €, cela veut dire que les Collectivités Locales ont supporté l'essentiel de l'effort.

Mais ce qui est proposé est d'accentuer la tendance en traitant désormais les collectivités comme un simple établissement public, un satellite, devant répondre à une injonction tutélaire dont le Préfet devient le greffier. Ce piège redoutable, inventé par Bercy, est une première historique. Pour la première fois en effet, l'Etat parvient à faire ce dont Bercy avait toujours rêvé.

Faire sauter le verrou constitutionnel de la libre administration des collectivités en imposant à ces dernières le consentement au hara-kiri, ce que la majorité de droite à la métropole toulousaine s'empresse de faire... en klaxonnant ! 

Nous avons donc regretté la précipitation à vouloir signer ce contrat plutôt que de profiter du temps qui restait jusqu'à la date du 30 juin pour accentuer la pression. Cette précipitation à "s'enquérir des faveurs du roi" est politicienne. Le syndrome des palmarès a encore frappé. Il s'illustre par ce nouveau podium marquant le réflexe courtisan d'une servitude volontaire. Sans doute vis à vis de Monsieur Macron dont on attend impatiemment le geste d'adoubement. J'aurais préféré, pour Toulouse, davantage de dignité...

mardi 20 février 2018

2020 : la polka des ambitions

Comme je l'indiquais dans un précédent billet, 80 % de ce qui est inauguré aujourd'hui à Toulouse fut porté sur ses fonds baptismaux par la gauche municipale. Cette "gestation pour autrui", c'est à dire in fine pour les toulousain(e)s,  ne sera pas parvenu toutefois à effacer un autre bilan. Il est si lourd à corriger.

A force de vouloir effacer de l'histoire politique locale la victoire de ses concurrents en 2008, le maire actuel ne fait que révéler, en définitive, la longévité de sa propre présence et donc de sa participation aux retards et rendez-vous ratés de la ville.

Un bilan de 33 années de présence de J.L Moudenc au conseil Municipal de Toulouse dont 28 dans la majorité du maire de chaque époque. C'est certainement à l'aune de cette durée qu'il conviendrait peut être d'analyser la lecture des passifs et le besoin de renouvellement.

Pour la gauche, répétons-le, rétablir les vérités, s’installer dans un remake ou dans la posture dénonciatrice ne suffira pas à construire une utilité pour demain. Il lui revient d'élaborer un projet novateur et un discours intelligible à présenter en 2020. Il lui revient de définir ce que doit être une politique municipale progressiste, mais également métropolitaine car l'un ne va pas sans l'autre. Il lui incombera de revendiquer une gauche de rassemblement dont les bases renouvelées permettront le plus large rassemblement des toulousain(e)s eux-mêmes. 

A ce jour, à lire la presse locale, la polka des ambitions pour le fauteuil du capitole a commencé. Chaque semaine égraine une nouvelle candidature potentielle, probable, putative...  : Le "qui" précédant le "quoi", c'est le quant à soi qui fraye chemin pour tenter d'imposer son paraitre. Ne cédons pas aux injonctions médiatiques voulant que l'incarnation résume l'enjeu. Tirons les leçons du vote qui vient de se dérouler pour le prochain congrès du PS. L'incarnation, à supposer qu'elle soit un préalable, ne garantit pas que l'on ne prêche dans le désert.


Dans ce concours balbutiant, j'en appelle donc à la prudence et la lucidité. Celles que réclame l'humilité tant il est vrai, pour paraphraser Marcel Aymé, qu'elle reste la meilleure "antichambre des perfections".

Il est temps d'accélérer, me dit-on. Je le concède volontiers. Le contexte n'est pas celui d'une présidentielle n'ayant pourtant donné que neuf mois pour fabriquer un présidentiable. Il n'est pas non plus celui de 2008 un an après que la candidate socialiste ait obtenu 47 % des voix dans un second tour. Et puis le contexte local a changé aussi. Avec lui, certainement, l'attente des électeurs eux-mêmes. Ne faudrait-il pas justement que les socialistes s'interrogent sur cette attente et qu'ils commencent donc à changer eux aussi ?

Je crois donc fortement à la déclinaison locale des raisons qui ont motivé les 3/4 des adhérents à porter Olivier Faure à la tête de ma formation politique. La période qui s'ouvre est celle de l'affirmation politique. Elle passe par une "autonomie stratégique" permettant de définir ce que nous sommes et ce que nous voulons. Et comme il est souhaité que la période qui s'ouvre soit aussi celle d'une clarification sur le bilan - ce qui est normal après un échec - qu'il soit permis d'amender l'intention en précisant "tous les bilans". 

Pourquoi Olivier Faure ?

Le Parti Socialiste prépare son congrès et beaucoup, depuis un an, en appellent à la clarification  et à la refondation salvatrices. Ils ont raison. En même temps... comment les français pourraient-ils croire à la sincérité d'une mutation aussi rapide ?

En cet instant, la première urgence est peut-être plus pratique. Les conditions d'une nouvelle crédibilité nécessitent des preuves. Celles d'une rupture dans les méthodes de fonctionnement du collectif et d'une décentralisation plus courageuse des méthodes de fabrication du politique.
Au moment de choisir un premier secrétaire, la demande d'incarnation à travers une voix qui porte est naturelle. Mais elle ne garantit pas que l'on ne prêche dans le désert. Et c'est bien le problème.

Ce congrès n'est pas décisif en ce qu'il n'est qu'une étape. Mais il est en même temps décisif car cette étape conditionne la survie. La capacité à reconstruire un discours n'est pas qu'une affaire de marketing. Il faut sortir de cette injonction permanente à la fabrication "d'éléments de langage", à l'instantanéité exigée de leur déploiement. Comme si tout cela permettait de redonner sens et confiance à la parole politique.

Parce que la profondeur de la refondation nécessaire exige davantage que trois mois de congrès, le Parti Socialiste a besoin du chef d'orchestre garantissant à la fois une éthique de la responsabilité et une abnégation propice à la confiance, au rassemblement et à la remise au travail.

En leurs temps, les motions de congrès reflétaient des courants de pensée ou des orientations. Le seul déplacement de virgules décidaient parfois du sort de la synthèse des uns et des autres.
L'enjeu en 2018 n'est plus là. Il est d'ouvrir une nouvelle période historique de reconstruction permettant pour demain un débat renouvelé, organisant la diversité d'une famille politique qui a pour l'instant besoin de se prouver qu'elle reste d'abord une famille.

Olivier Faure a toute ma confiance pour cela.

L'issue du congrès d'Aubervilliers n'est pas tant de savoir qui sortira vainqueur mais quelle force et stabilité voulons nous donner à la démarche collective choisie. De ce point de vue, la netteté du choix dès le premier tour, entre les quatre candidats, sera finalement la meilleure garantie de notre  propulsion collective.