Cette affaire de déchéance de nationalité, invitée surprise des fêtes de fin d'année, défraye aujourd'hui la chronique. Opposé à cette mesure constitutionnelle, je n'égrènerais pas tous les motifs désormais connus. Je ne me draperais pas pour autant dans l'indignité de certaines outrances ou dans les bras de ceux qui prétendent encore et toujours avoir les mains propres alors qu'ils n'ont pas de mains.
Comme l'a utilement précisé mon ami Olivier Faure après l'égarement du Premier Ministre,
"ceux qui sont contre ne s'égarent pas...mais ceux qui sont pour ne sont pas pour autant des vichystes".
Devant le parlement réuni en congrès par le Président de la République, le souvenir est encore présent de tous ceux qui voyaient dans la saisine du Conseil d'Etat le débouché malicieux offert à une proposition de la droite enregistrée devant l'autel de l'unité nationale.
Unanime, le congrès avait applaudi l'ensemble du discours. Rien ne devait contrecarrer l'élan, fusse au prix d'une incertitude naissante quant aux intentions réelles du Président en cette affaire de déchéance. Très vite, l'incertitude s'est dissoute, tout comme le cynisme des interprétations. La volonté du Président était bien de respecter la parole prononcée. Mais plus important toutefois que la parole donnée ce jour là est peut-être désormais la promesse de l'unité nationale à tisser.
Cette mesure est-elle si efficace et si fondamentale pour l'unité nationale au point de la constitutionnaliser ? Est-elle a contrario si insignifiante pour ne pas craindre la citoyenneté différenciée qu'elle inspire ?
Mais que diable allons-nous faire dans cette galère me lança, en me présentant ses vœux, mon voisin de palier ?
En faisant notre marché des propositions des uns et des autres, étions-nous certains de garantir le rassemblement républicain des forces politiques contre le terrorisme ? La volonté aura été démontrée. Certes. Dénuée de toute contingence partisane, on en attendait pas moins du chef de l'Etat. Aux chefs de partis de prendre ensuite leur responsabilité.
Malheureusement, le paradoxe a voulu que cette proposition soit renvoyée à une pure configuration tactique. On assiste ainsi à l'ouverture du procès de la "triangulation", du baiser de l'ours cherchant l'étouffement de l'adversaire, bref, de l'intention politicienne.
La perturbation de la gauche en deviendrait accessoire, submersible par l'opinion publique, annonciatrice d'une majorité présidentielle réformée par l'ingrédient national, bref, d'une "France unie" des temps nouveaux. Triste débat. Tristes ébats.
Je me souviens de 1982, lorsque
François Mitterrand amnistia les généraux félons d'Algérie et l'imposa
aux députés de sa majorité contre l'avis des socialistes. Ce jour
précurseur, un an après le 10 mai, illustra le premier signal des
déséquilibres démocratiques de notre République.
Certes,
le sujet comme les circonstances ne sont pas les mêmes aujourd'hui. Et
la solution ne sera pas celle d'un 49-3 s'imposant au Congrès. Elle sera celle d'une synthèse sur l'essentiel.
Actes de guerre et état d'urgence imposent gravité et responsabilité. Le vrai sujet est là. Trouver le chemin d'une disposition qui garantisse à la fois l'unité complète de la nation sans fragiliser le garant de cette dernière et la clé de voute de nos institutions, à savoir le Président de la République et la Constitution elle-même.
A nouveau, la responsabilité du Parti Socialiste est posée. Elle est posée dans l'affirmation de son autonomie pour les uns, dans le respect de sa fonction pour les autres et dans son dépassement dans l'intérêt du pays. A nouveau confronté à la question nationale, vieux casse-tête du mouvement ouvrier, par le biais de la qualification même de la nationalité, il doit traiter le sujet sans que la nationalité prenne le pas sur la citoyenneté. Tel est le marqueur dans cette affaire. Il n'est pas nouveau dans l'histoire de la république.
Surmonter la contradiction entre la montée en
puissance des nationalismes au moment où s’affaiblit la fonctionnalité
de l’État-nation tel qu’il a émergé au siècle passé est l'enjeu du siècle pour l'Europe et le Monde.
De grands moments ont forgé l’identité nationale. La mémoire de la Révolution
française et de la Résistance en perpétuent encore les effets. Toute proportion gardée, ne vivons-nous pas l'un de ces moments dont l’histoire contemporaine a les secret ? Une sorte de balancement
entre les questions patriotiques face à de actes de guerre d’une part et les questions démocratiques
et sociales de l’autre ?
Si je suis pour ma part opposé à cette mesure proposée par le Président, je suis tout aussi convaincu que le Parti Socialiste ne doit pas s'éloigner du cœur de l'unité nationale à construire. Il doit en être l'artisan plutôt que l'artificier.