lundi 7 octobre 2019

Pourquoi je ne suis pas favorable à la gratuité des transports à Toulouse

Sur le principe, nous savons tous que la gratuité réelle d’une mission de service public n’existe pas. Son exercice a toujours un coût et ce qui est en débat est donc de savoir qui doit en garantir la couverture.
Il faut donc regarder de plus près les sources de financement du transport urbain, notamment à Toulouse. 
Elles relèvent à la fois des contribuables et des usagers, étant entendu qu'il s'agit parfois des mêmes...

  • Côté contribuables, sa forme est double. Il y a celle d’une subvention puisée dans le budget de la collectivité et versée au syndicat de transport à qui elle a délégué la compétence. Il y aussi celle d'un impôt économique concernant les entreprises de + de 11 salariés acquittant directement auprès du syndicat une taxe appelée « versement transport ». Pour l'anecdote, il faut savoir que la moitié du produit national de cet impôt économique se concentre sur l’Ile de France. 
  • Côté usagers, il s’agit des utilisateurs occasionnels ou abonnés. Ces derniers étant par ailleurs subventionnés par leurs employeurs, ce qui exclue de fait les usagers sans emploi ou des jeunes non-salariés.
 
A Toulouse, la répartition de ces sources de financements étaient les suivantes en 2018 :
- Versement Transport : 263 M€
- Recettes commerciales : 97 M€ dont 91 M€ de recettes tarifaires
- Contributions des collectivités : 104 M€
 
Le coût d’exploitation du réseau étant de 257 M€, le taux de couverture par les seuls usagers du seul coût de fonctionnement est de 35 % pour avoisiner 23 % si l'on intègre au dénominateur les coûts d'investissements.


Nous sommes bien en présence d’un service public dont le financement réclame d’arbitrer entre l’usager et le contribuable ménage dans la mesure ou la collectivité n’a pas le pouvoir de modifier le taux de versement transport qui est de compétence législative.

Évidemment, on peut se dire qu’en définitive, puisque la part des usagers est si faible, autant la supprimer. Le raisonnement se tient à ceci près qu’il faudrait donc trouver 91 M€ de compensation où réduire l’offre et/ou l'investissement. Sachant qu’un point d’impôt supplémentaire représente aujourd’hui à Toulouse Métropole environ 2 M€, le calcul de la soutenabilité politique d’une telle compensation est vite fait (sans parler des perspectives liées à la réforme de la fiscalité locale en cours).

Est-ce à dire que le débat est clos ? Je ne le pense pas. Mais il doit cependant partir de ce constat préalable partagé.

Si l’on écarte l’alternative, hors champ de compétence locale, de la hausse du versement transport des entreprises. Quelles sont les autres possibilités ? J’aurais bien souhaité pour ma part un alignement du taux de VT des métropoles sur celui de la région parisienne. Pourquoi Airbus, géant mondial, bénéficierait d’un taux plus faible qu’une PME de l’Essonne ? J’aurais aussi souhaité voir étudiée la piste d’un VT différencié selon la qualité de desserte territoriale des entreprises concernées, dès lors que certaines bénéficient ou bénéficieront d’une desserte métro tandis que d’autres ne pourront compter que sur quelques fréquences bus voire du transport à la demande.

Autre piste, l’activation de la taxation des plus-values immobilières liées aux infrastructures de transport envisagée dès 2010 dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Sous réserve d’inventaire, il est admis que cette mesure serait loin de garantir un bon niveau de compensation des recettes usagers. Elle demeure toutefois vertueuse dans son principe.

Il y a aussi la possibilité d’une nationalisation de la compensation par l’affectation aux transports devenus gratuits le produit d’impôts nationaux. Ce qui signifierait faire appel au contribuable national plutôt que local et contribuerait à renforcer davantage encore la perte de lien fiscal territorial déjà engagée par ailleurs.

Enfin, dernière évocation, l’instauration de péages urbains à l’heure où nombre de nos concitoyens - munis ou pas de gilets jaunes - se mobilisent pour leur suppression comme par exemple à L’Union en périphérie toulousaine.

Nombre de pistes résultent de solutions législatives… et non municipales.
Si aujourd’hui, environ 30 collectivités territoriales pratiquent la gratuité totale des transports, il faut en examiner la pertinence au regard de leurs réseaux particuliers souvent constitués de lignes de bus bien souvent sous-utilisées, d'une très faible recette tarifaire ou d'un volume d'investissements très maitrisé. À Niort par exemple, la billetterie ne rapporte que 10% des sommes nécessaires au fonctionnement du réseau.

Il faut donc se garder des slogans prêts à penser mais pas à agir. A l’aube des élections municipales, Il convient d’examiner le sujet au cas par cas et à législation constante.

D'autres réflexions mériteraient attention : 
- remettre à plat la politique tarifaire dans l'optique d'une tarification solidaire (et non de tarifications sociales) 
- Ouvrir la réflexion sur des tarifs d'abonnement plus avantageux en fonction de l'éloignement des usagers du réseau lourd et/ou de la faible densité du maillage offert.
- Offrir un abonnement multimodal d'un an à tous les nouveaux arrivants de la métropole  pour inciter l'usage
Ces quelques idées pourraient par exemple être mises en débat et en construction dans le cadre d'un Parlement des Mobilités associant entreprises, usagers et collectivités

Enfin, le dernier argument ne sera pas anodin. Il est celui des capacités futures de développement de l’offre. A l’heure où, à Toulouse, chacun s’accorde désormais à constater la méthode Coué de nos décideurs locaux tentant de rassurer le chaland sur le financement de la troisième ligne de métro sans obérer d’autres investissements, ni promettre d’augmentation d’impôt, il y aurait un paradoxe irresponsable à promettre une telle mesure...



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