mardi 5 septembre 2017

Refonder ? Et pourquoi pas fonder ?



2017 : le candidat socialiste à la présidentielle n’a obtenu que 6% des suffrages et désormais quitté les rangs de son parti. Son concurrent à la primaire en a fait de même et près de 100 députés En Marche sur 330, hier socialistes, ont suivi le chemin de la rupture. Depuis le début du processus, ce sont des millions d’électeurs qui ont précédé ou accompagné ces mouvements. A l’échelle de son histoire, jamais le mouvement socialiste n’aura subi une telle scission. Autant dire le mot..

L’échec fut violent. Son onde de choc rend encore dérisoires, aujourd'hui, toutes les certitudes péremptoires. Le peuple ne se trompe pas. Certes, la vague Macron a davantage résulté d'un besoin de renouvellement et d'une fatigue démocratique face au jeu classique de l'alternance que d'une adhésion à son programme. Mais ce qu'ont proposé les socialistes dans le cadre de cette campagne présidentielle ne saurait constituer pour autant, sur le fond comme sur la forme, la base d’une reconquête. 

Il serait trop facile d'arrêter le curseur temporel à cela. Sans doute faut-il remonter plus loin, sans doute faut-il revisiter les conditions singulières de chaque période historique de la gauche au pouvoir et isoler la récurrence de ses difficultés dans l'exercice même de ce dernier. 
Sans doute faut-il s'interroger sur sa capacité à se dépasser elle-même, à anticiper les évolutions du monde, à analyser la sociologie de ceux à qui elle s'adresse, à s'émanciper d'une forme de pré-science et d’arguments d’autorité dont elle s’est sentie si souvent autorisée par son ancrage dans l'histoire du mouvement ouvrier.

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le mot de refonder. Mais ne faut-il pas plutôt fonder que refonder, construire au lieu de reconstruire, innover au lieu de rénover.  

Pour dessiner les contours d’un nouveau progressisme de gauche, la recherche d’un chemin praticable dans l’opposition comme dans l’exercice du pouvoir est un prérequis. C'est celle d'un nouveau contrat social, déclinant les nouveaux compromis historiques d’une société plus cohésive, retissant le lien entre les exclus et les salariés, entre la production et la redistribution, entre la rente et le risque, entre la République et la démocratie, entre l’État et la société, entre l’égalité et la liberté.

Il ne suffit pas de s’opposer pour se redéfinir ou d’adouber toutes les révoltes comme si elles étaient en soi légitimes. Il faut sortir d’une définition négative et subsidiaire de la gauche. Elle ne pourra renaître en brandissant des chapelets de généralités. 
La diabolisation du pouvoir, après l’avoir exercé soi-même, ne serait que le réflexe d’une paresse insensée. De même, la diabolisation du bilan de la gauche ne saurait devenir le gage d’une vertu retrouvée. La démocratie souffre de trop de caricatures et c’est une véritable crise de fatigue à l'endroit de la gauche comme de la droite dont elle a été l’expression. 

Il faudra aussi combattre les forces qui, se prétendant les nouveaux gouvernails de l’histoire, entendent incarner à gauche comme à droite, la quintessence du peuple afin de mieux s’en servir, pour les uns, ou de mieux l’asservir, pour les autres.

« L’homme-peuple » ou « la femme-peuple » est une véritable construction idéologique, au service d’une théorie de l’incarnation, exaltant le mythe de la souveraineté immédiate et méprisant institutions, organisations collectives, corps intermédiaires.
Face à ces populismes rampants, le progressisme doit tirer les leçons de ses impuissances, de l’épuisement de ses modèles, de ses discours, de ses pratiques.

De cette crise, Emmanuel Macron est le symptôme. En sera-t-il la solution ?

La fragilité de sa victoire est consubstantielle à ce qui en a fait sa force. En rupture avec le modèle dual de la représentation politique en période de conquête, le nouveau pouvoir va devoir inscrire son action dans l’institutionnalisation de sa forme pour gouverner.
Sa victoire n’aura pas été celle d’une lente construction enracinée mais d’une opportunité courageusement saisie, saisissant le bâton tombé des mains d’une social-démocratie sans ressources. Cette victoire n’en reste pas moins légitime et étayée d’une lecture (critique) de la société qu’on ne peut balayer d’un revers de main par sa seule caractérisation libérale.

La période cumule des exigences sur la pensée et sur l’action. Elle sont bien sûr à la fois stratégiques et organisationnelles mais elles sont surtout intellectuelles et politiques. Parce que tous les champs de l’action politique sont concernés, ce n’est pas une mais toutes des dimensions qu’il va s’agit d’articuler. 

A l'heure ou l'expérience Macron aborde désormais la phase de l'exercice du pouvoir, nul doute que les contradictions de cet exercice et la fragilité de l'édifice vont ouvrir les espaces d'une opposition revigorée. Je ne suis pas sûr toutefois que les difficultés du premier suffiront à valoriser le discours de la seconde. 
Un prochain billet, ici même, reviendra sur ces premiers pas. Tout comme nous le ferons à l'occasion de la réunion constitutive du carrefour progressiste, le 13 septembre prochain.

1 commentaire:

  1. Bonjour Joël, C'est bien vrai, que notre terrible échec rend dérisoire toute certitude péremptoire.
    On sait assez précisément ce dont on ne veut pas et ce qui est inacceptable dans les conditions sociales actuelles, mais on n'a plus la moindre idée de ce à quoi devrait aboutir une transformation de l'état de choses existants.C'est donc effectivement à ce travail -intellectuel- que nous devons, selon moi, nous atteler avec beaucoup de vigueur. Penser le monde de demain, donc, mais, me semble-t-il, sans oublier que le retour aux trente glorieuses n'est pas possible. Le modèle de cette "belle époque" conciliait stabilité de l'emploi, régulation de l'Etat forte, et construction de compromis sociaux dans le cadre purement national. Ces conditions ne sont plus réunies, qu'on le veuille ou non. 1/Le socialisme démocratique ou la social démocratie doit donc désormais se penser dans le cadre de la mondialisation.2/Dans ce cadre, il faut redéfinir le rôle de l'Etat. 3/Repenser l'articulation mécanismes de redistribution/mécanismes d'incitation. 4/ Prendre enfin conscience que la mondialisation, qui consacre la fin de la rente de l'Occident sur le Monde, n'est pas simplement une machine à détruire, mais aussi à enrichir.
    En quelque sorte, ne s'agit-il pas de nous "dégager" d'une structure de pensée enracinée dans les premiers temps de l'industrialisation, pour nous replacer dans le cadre d'une théorie sociale de gauche nouvelle? Quel défi. Frédéric (PARRE)

    RépondreSupprimer