vendredi 15 novembre 2019

Finances locales : une double atteinte à la décentralisation

Je me demande s’il est encore utile d’avoir dans notre constitution un article 72 faisant état de l'autonomie des collectivités territoriales.

Le double contexte de la contractualisation et de la suppression de la TH fait en effet peser aujourd’hui un énorme doute sur la conception qui anime ce gouvernement vis-à-vis des institutions de la République décentralisée.

Nous avons d’un côté une contractualisation qui contraint la dépense indépendamment de la qualité du niveau de ressources. Dans ces conditions, à quoi bon s’inquiéter des ressources puisque cela ne change rien à la contrainte nouvelle et à la restriction de liberté qui pèse sur leur utilisation. Qu'à cela ne tienne. On va donc supprimer "en même temps" la taxe d'habitation. 20% des ménages les plus aisés vont bénéficier de 10 milliards de charges en moins tandis que les 20 % qui sont exonérés de TH n’auront aucun avantage si ce n’est celui de payer la TVA qui va la compenser.

C'est le second volet : la disparition programmée du seul impôt assis sur le principe de l’universalité.
avant l'installation du doute sur la garantie de ressource.
En réalité, la taxe d’Habitation va plutôt être remplacée. Le gouvernement s'échine à promettre d'en compenser son produit, c'est donc bien que quelqu'un le payera.

Nous avons connu cela avec la Taxe Professionnelle. On crée une usine à gaz pour garantir la compensation du produit mais pas de son dynamisme. Puis on assoit par ailleurs son remplacement sur une base foncière (CFE). La TP n’a pas été supprimée. Elle a été remplacée avec un nouvel équilibre faisant du foncier, l'impôt de référence.

Aujourd’hui, sur la TH, on trouve l’idée géniale du transfert de fiscalité nationale de TVA pour les départements qui transfèrent à leur tour aux communes leur fiscalité foncière.

A y regarder de plus près, on se rend compte que ce mécanisme n’a rien d’original. C’est exactement comme cela que fut créée, en 1979, la DGF : Un transfert de TVA, devenue dotation, devenue ensuite variable d’ajustement.

La boucle est bouclée sur un dispositif d’ancien temps, celui de la centralisation. Un dispositif d’ancien régime, celui d’un système fiscal à la logique censitaire, reposant sur la propriété foncière, renouant ainsi avec certaines théories prérévolutionnaires qui considéraient que les communes n’étaient qu’une association de copropriétaires.

La stratégie de l’Etat, si on veut bien lever le nez du guidon, c’est la suppression de la fiscalité locale universelle pour la remplacer résiduellement par une assiette foncière, par de l’impôt national et par de la subvention d’Etat. Depuis 1981, Bercy en rêvait. Monsieur Macron le met en œuvre.
 L’ajustement se fera sur les propriétaires et le consommateur. La Taxe d’Habitation n’est pas supprimée. Elle est remplacée.

A contrainte macro-budgétaire identique, dans les années qui viennent, nous aurons à la fois augmentation de la TVA, hausse de la pression fiscale, et baisse des dotations.

Mais ce qui se joue dans cette affaire est bien plus grave qu’on ne le pense.
C’est une rupture structurelle et non une évolution conjoncturelle. C’est à la substance même de la décentralisation que l’on s’attaque.

La stratégie moderniste du gouvernement, par petites touches mises bout à bout, est bien celle d’une inféodation du pouvoir local.
Le danger médiatisé aujourd’hui, c’est celui de la menace sur la garantie de ressources. Nos associations d’élus sont prises de tremblements. Serons-nous compensés à l’euro près ?

Mais le vrai débat est celui des principes, de la philosophie politique qui président aux choix. Il n’est pas seulement celui de l’inquiétude comptable. Il n’est pas, comme on le prétend, seulement celui de la contribution nécessaire du pouvoir local à l’équilibre budgétaire des finances publiques.
Cet argument est le cheval de Troie d’un réajustement institutionnel d’envergure qui ne dit pas son nom.

Les collectivités ne sont que des centres de coût qu’il faudrait rééduquer par la pédagogie du contrat comme s’il s’agissait de satellites de l’Etat à domestiquer, comme s’il s’agissait d’établissements publics dont il conviendrait de raccourcir la laisse, tel le cerf volant dont on prétend que la ficelle ne l’empêche pas d’être libre, comme si les maires n’étaient que de simples gestionnaires zélés épousant le vent.

Humer le vent et passer entre les gouttes alors que le tsunami menace.

C'est malheureusement dans cette paresse que se love la gestion locale de la ville de Toulouse. Elle n’aurait rien de politique. Il ne s’agirait que d’une affaire technique, presque domestique, dont l’entourage d’une caution citoyenne bien choisie viendrait conforter le marketing de la tâche gestionnaire.
Alors on s'attache à faire l'éloge d’une servitude volontaire, parfois zélée, souvent muette. 
Une servitude dont on se demande parfois si une conviction la guide, hormis celle du petit calcul déclamant sa révérence aux gens d'en haut de la République en Marche.

Le nouveau viatique est cette habileté à « être partout et nulle part », à revendiquer d’être un Sans Domicile Fixe de la politique, dont la veste se prétend sans étiquette. Cependant, nous le savons tous. Une veste sans étiquette, ça sent toujours la contrefaçon.


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